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train de picorer dans les hautes herbes. Agoutis, chvres,
moutons, allaient et venaient sur la lisire des arbres.
Or, Godfrey ne se souciait pas de traner sa suite toute
cette troupe de volatiles et de quadrupdes. Mais, pour les
retenir plus srement en cet endroit, il fallait laisser Tartelett
leur garde.
Celui-ci consentit rester seul et se faire, pendant
quelques heures, le berger de ce troupeau.
Il ne fit qu une observation :
Si vous alliez vous perdre, Godfrey ?
N ayez aucune crainte cet gard, rpondit le jeune
homme. Je n ai que cette fort traverser, et comme vous n en
quitterez pas la lisire, je suis certain de vous y retrouver.
N oubliez pas la dpche votre oncle Will, et demandez-
lui plusieurs centaines de dollars !
La dpche& ou la lettre ! C est convenu ! rpondit
Godfrey, qui, tant qu il ne serait pas fix sur la situation de cette
terre, voulait laisser Tartelett toutes ses illusions.
Puis, aprs avoir serr la main du professeur, il s enfona
sous le couvert de ces arbres, dont l pais feuillage laissait
peine filtrer quelques rayons solaires. C tait leur direction qui
devait, cependant, guider notre jeune explorateur vers cette
haute colline, dont le rideau drobait encore ses regards tout
l horizon de l est.
De sentier, il n y en avait pas. Le sol, cependant, n tait
point vierge de toute empreinte. Godfrey remarqua, en de
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certains endroits, des passes d animaux. deux ou trois
reprises, il crut mme voir s enfuir quelques rapides ruminants,
lans, daims ou cerf wapitis, mais il ne reconnut aucune trace de
btes froces, telles que tigres ou jaguars, dont il n avait pas
lieu, d ailleurs, de regretter l absence.
Le haut entresol de la fort, c est--dire toute cette portion
des arbres comprise entre la premire fourche et l extrmit des
branches, donnait asile un grand nombre d oiseaux : c taient
des pigeons sauvages par centaines, puis, sous les futaies, des
orfraies, des coqs de bruyre, des aracaris au bec en patte de
homard, et plus haut, planant au-dessus des clairires, deux ou
trois de ces gypates, dont l Sil ressemble une cocarde.
Toutefois, aucun de ces volatiles n tait d une espce assez
spciale pour qu on en pt dduire quelle tait la latitude de ce
continent.
Il en tait ainsi des arbres de cette fort. Mmes essences
peu prs que celles de cette partie des tats-Unis qui comprend
la Basse-Californie, la baie de Monterey et le Nouveau-Mexique.
L poussaient des arbousiers, des cornouillers grandes fleurs,
des rables, des bouleaux, des chnes, quatre ou cinq varits de
magnolias et de pins maritimes, tels qu il s en rencontre dans la
Caroline du Sud ; puis, au milieu de vastes clairires, des
oliviers, des chtaigniers, et, en fait d arbrisseaux, des touffes de
tamarins, de myrtes, de lentisques, ainsi qu en produit le sud de
la zone tempre. En gnral, il y avait assez d espace entre ces
arbres pour que l on pt passer, sans tre oblig de recourir ni
au feu ni la hache. La brise de mer circulait facilement
travers le haut branchage, et, et l, de grandes plaques de
lumire miroitaient sur le sol.
Godfrey allait donc ainsi, traversant en ligne oblique ces
dessous de grands bois. De prendre quelques prcautions, cela
ne lui venait mme pas l ide. Le dsir d atteindre les hauteurs
qui bordaient la fort dans l est l absorbait tout entier. Il
cherchait, travers le feuillage, la direction des rayons solaires,
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afin de marcher plus directement son but. Il ne voyait mme
pas ces oiseaux-guides ainsi nomms parce qu ils volent
devant les pas du voyageur , s arrtant, retournant, repartant,
comme s ils voulaient lui indiquer sa route. Rien ne le pouvait
distraire.
Cette contention d esprit se comprend. Avant une heure,
son sort allait tre rsolu ! Avant une heure, il saurait s il tait
possible d atteindre quelque portion habite de ce continent !
Dj Godfrey, raisonnant d aprs ce qu il connaissait de la
route suivie et du chemin fait par le Dream, pendant une
navigation de dix-sept jours, s tait dit qu il n y avait que le
littoral japonais ou la cte chinoise sur lesquels le navire et pu
sombrer. D ailleurs, la position du soleil, toujours dans le sud
par rapport lui, dmontrait clairement que le Dream n avait
pas franchi la limite de l hmisphre mridional.
Deux heures aprs son dpart, Godfrey estimait cinq
milles environ le chemin parcouru, en tenant compte de
quelques dtours, auxquels l paisseur du bois l avait parfois
oblig. Le second plan de collines ne pouvait tre loin. Dj les
arbres s espaaient, formant quelques groupes isols, et les
rayons de lumire pntraient plus facilement travers les
hautes ramures. Le sol accusait aussi une certaine dclivit, qui
ne tarda pas se changer en rampe assez rude.
Quoiqu il ft passablement fatigu, Godfrey eut assez de
volont pour ne pas ralentir sa marche. Courir, il l et fait, sans
doute, n et t la raideur des premires pentes.
Bientt il se fut assez lev pour dominer la masse gnrale
de ce dme verdoyant qui s tendait derrire lui, et dont
quelques ttes d arbres mergeaient et l.
Mais Godfrey ne songeait pas regarder en arrire. Ses yeux
ne quittaient plus cette ligne de fate dnude qui se profilait
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quatre ou cinq cents pieds en avant et au-dessus de lui. C tait la
barrire qui lui cachait toujours l horizon oriental.
Un petit cne, obliquement tronqu, dpassait cette ligne
accidente, et se raccordait par des pentes douces la crte
sinueuse que dessinait l ensemble des collines.
L !& L !& se dit Godfrey. C est ce point qu il faut
atteindre !& C est le sommet de ce cne !& Et de l, que verrai-
je ?& Une ville ?& un village ?& le dsert ?&
Trs surexcit, Godfrey montait toujours, serrant ses coudes
sa poitrine pour contenir les battements de son cSur. Sa
respiration un peu haletante le fatiguait, mais il n aurait pas eu
la patience de s arrter pour reprendre haleine. Dt-il tomber,
demi pm, au sommet du cne, qui ne se dressait plus qu une
centaine de pieds au-dessus de sa tte, il ne voulait pas perdre
une minute s attarder.
Enfin, quelques instants encore, et il serait au but. La rampe
lui semblait assez raide de ce ct, sous un angle de trente
trente-cinq degrs. Il s aidait des pieds et des mains ; il se
cramponnait aux touffes d herbes grles du talus, aux quelques
maigres arbrisseaux de lentisques ou de myrtes, qui s tageaient
jusqu la crte.
Un dernier effort fut fait ! De la tte, enfin, il dpassa la
plate-forme du cne, tandis que, couch plat ventre, ses yeux
parcouraient avidement tout l horizon de l est&
C tait la mer qui le formait et allait se confondre une
vingtaine de milles, au-del, avec la ligne du ciel !
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